Le graphène est un feuillet d'atomes de carbone disposés en nid d'abeilles, qui possède des propriétés remarquables, parmi lesquelles une conductivité électrique exceptionnelle. Il est possible théoriquement d'obtenir des motifs de moiré en empilant deux feuillets de graphène et en exerçant une contrainte mécanique sur un seul des deux feuillets. Mais jusqu'à présent, personne n'avait réussi à réaliser l'expérience, ni à étudier cette nouvelle physique associée.
De manière fortuite, des chercheurs de Pheliqs/Lateqs [collaboration] ont pu produire cet empilement de graphène. Leur procédé de libération des feuillets de graphène du substrat en carbure de silicium s'étant révélé légèrement incomplet, quelques atomes de carbone du feuillet de graphène adjacent au substrat sont restés liés chimiquement à des atomes de silicium du substrat. Cela induit une contrainte biaxiale, exercée sur le seul feuillet de graphène proche du substrat.
Ce graphène bicouche, dont un feuillet est soumis à une contrainte bi-axiale et l'autre non, produit un moiré différent de celui du graphène bicouche "twisté" (deux feuillets empilés dont l'un est tourné par rapport à l'autre) et qui ont récemment fait les gros titres pour leur supraconductivité.
Les scientifiques ont pu observer les motifs de ce moiré inédit par microscopie électronique et relier une longueur caractéristique de ces motifs (de 200 nanomètres) à la faible contrainte exercée sur le feuillet proche du substrat. Ils ont ensuite utilisé cette valeur de contrainte pour calculer la relaxation de quelques 3 million d'atomes de carbone du graphène bicouche, ainsi que le nouveau motif de moiré. Résultat : cette réorganisation des atomes de carbone s'apparente à un tourbillon géant et le moiré défini par simulation apparaît similaire au moiré expérimental !
Les atomes se réarrangent de manière à minimiser l'énergie du graphène bicouche, et plus précisément, à réduire au minimum (presque à un point !) la région où les réseaux hexagonaux des deux feuillets de graphène sont exactement superposés. D'où cette allure de cyclone ou galaxie spirale dont les bras sont associés à des états électroniques très recherchés (appelés topologiques) en physique quantique.
Avec le soutien financier du CEA PTC-instrum projet DForm, du projet ANR Flatmoi (ANR-21-CE30-0029) et du Science and Technology funding Council ST/V001116/1 (UK).
Figure : paramètre d'empilement pour une structure relaxée à partir d'un moiré induit par une hétéroformation purement biaxiale de 0,1 %. A droite : Mode soliton spirale à faible énergie; à gauche : mode soliton droit métastable. Barre d'échelle : 100 nm. © CEA-Irig et Manchester Univ
Collaboration
- Université Cergy Pontoise
- Université de Manchester
- Universidad Autonoma de Madrid
- Centre de Recherche sur l'Hétéro-Epitaxie et ses Applications CRHEA (CNRS)