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Fait marquant

Les hétérodéformations expliquent la variabilité dans les moirés magiques de graphène




Une méta-analyse des données mesurées par microscopie à effet tunnel (STM) montre que les hétérodéformations expliquent quantitativement la variabilité dans les moirés magiques de graphène.

Publié le 20 décembre 2021
Les électrons libres du graphène sont très mobiles, cela fait de ce matériau l’un des meilleurs conducteurs de l’électricité. Lorsque l’on empile deux couches de graphène l’une sur l’autre, le moiré qui en résulte (Figure) peut ralentir ces électrons et même les arrêter lorsque l’angle de rotation entre les deux couches est proche de 1°, un angle appelé magique (voir article de vulgarisation). Dans ces conditions, les électrons n’ont plus la possibilité de bouger pour s’éviter et limiter l’interaction Coulombienne (des charges de même signe se repoussent). Cette interaction forcée a donné lieu à l’observation depuis 2018 de phases très diverses au sein de ce matériau allant du conducteur parfait le supraconducteur, à l’isolant induit par l’interaction électron-électron l’isolant de Mott, ou encore un nouveau type de magnétisme émergeant seulement du moment angulaire orbital et non du spin électronique, le magnétisme orbital.

Cette physique riche est très complexe car elle nécessite la modélisation de l’état collectif des électrons : un des problème les plus complexes de la physique moderne. En général, on commence à comprendre les observations par petits pas en identifiant les plus importants paramètres et en s’attachant à décrire leur effet. On sait depuis le début que le moiré de graphène est contrôlé en premier lieu par l’angle de rotation entre les couches. Cependant, on observe une très forte variabilité des résultats d’un échantillon à l’autre. Une telle variabilité est souvent le signe qu’un paramètre important pour le phénomène étudié n’est pas sous contrôle. On peut alors recourir à une méta-analyse, c’est-à-dire combiner les résultats d’une série d’études indépendantes comme c’est couramment fait en biologie ou en médecine.
Nous venons de faire une méta-analyse des données mesurées par microscopie à effet tunnel (STM) qui montre que les déformations relatives d’une couche par rapport à l’autre (hétérodéformations) expliquent quantitativement la variabilité des données. Simultanément à la découverte de la supraconductivité dans les moirés magiques de graphène, nous avions montré que ce type de déformations ont aussi une forte influence. Notre nouveau résultat prouve que la physique des couches de graphène tournées est en fait déterminée par les hétérodéformations lorsque le système est proche de l’angle magique. Leur prise en compte devrait permettre de progresser dans la compréhension des nouveaux états de la matière décrits plus haut. Plus généralement, notre étude montre que les méta-analyses peuvent avoir aussi une forte valeur ajoutée en physique.

Figure : Les images STM de différents moirés de graphène (A, B, C) sont non distinguables à l’œil nu (Les échelles sont identiques dans les trois images). Une analyse fine permet de déterminer précisément l’empilement relatif de couches (rotation et hétérodéformations en insert de chaque image). Celui-ci varie légèrement ce qui a un impact important sur les propriétés électroniques (D, E, F). Cet effet est bien décrit par la théorie si les déformations relatives sont prises en compte. 

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