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Fait marquant

L’arbre ou la forêt : méthode d’analyse statistique des propriétés optiques d’un ensemble de nanofils d’InGaN


​​​​​​​Dans le cadre de la thèse d’Alexandre Concordel, nous proposons une méthodologie basée sur une analyse statistique d'ensembles de plusieurs centaines de nanofils présentant un diamètre de 180, 240 et 280 nm et constatons que les variations d'intensité sont cohérentes avec l'incorporation de défauts ponctuels obéissant aux statistiques de Poisson.

Publié le 29 novembre 2023
D’un diamètre d’une centaine à quelques centaines de nanomètres pour une longueur de l’ordre d’un ou quelques microns, les nanofils de semiconducteurs (Si, composés II-VI ou III-V) sont intéressants pour de nombreuses applications, notamment dans le domaine des dispositifs opto-électroniques. Ces nano-objets monocristallins peuvent être crûs en épitaxie par diverses techniques et sur des substrats variés, à des densités de l’ordre du milliard/cm2. Les progrès technologiques ont maintenant rendu possible l’extraction de nanofils uniques choisis dans un tel ensemble pour en étudier les propriétés structurales, optiques ou électriques.

S’il permet de déterminer en détail les propriétés de ces objets à l’échelle du nanomètre, le zoom sur un fil unique présente toutefois le défaut de négliger le fait qu’une diode luminescente à nanofils, par exemple, est constituée de centaines de milliers de nanofils individuels, dont aucun n’est strictement identique à son voisin. L’étude d’un nanofil unique est dans ce cas celle d’un arbre qui cache une immense forêt dont les propriétés intégrées sont celles du dispositif que l’on aimerait caractériser.

Dans le cadre de la thèse d’Alexandre Concordel (financement CIFRE en partenariat avec Aledia), nous avons développé une méthode d’analyse statistique de cartographies de cathodoluminescence (CL) de nanostructures filaires InGaN/GaN préparées par épitaxie par jets moléculaires (MBE). Dans une expérience de CL, un faisceau d’électrons de taille nanométrique crée dans le semiconducteur des paires électron-trous, qui peuvent se recombiner radiativement en émettant un signal de luminescence qui est alors analysé. Les cartographies analysées comportaient jusqu’à 300 fils (figure 1a).

Figure 1 : (a) cartographie de CL de 300 hétérostructures filaires InGaN/GaN vues de dessus. Encart : zoom. Les fils 1, 2 et 3 correspondent aux extrêmes de la distribution, des moins lumineux (1) aux plus brillants (2,3). (b) fonction de distribution expérimentale (gris discontinu) et fonctions de distribution théoriques pour différentes valeurs du paramètre λ de la loi de Poisson (lignes pleines) correspondant au nombre moyen de défauts par fil qui est compris dans le cas présent entre 8 et 9.

Nous avons trouvé que la distribution des intensités de CL obéit à la statistique de Poisson, cohérente avec l’hypothèse d’une incorporation au hasard de défauts non radiatifs (i.e. des défauts conduisant à une recombinaison des paires électron-trou excitées sans émission de lumière) dans les nanofils (Figure 1b). Nous avons proposé qu’il s’agisse de défauts ponctuels tels que des impuretés chimiques ou des complexes impliquant ces impuretés et des lacunes formées lors de la croissance.

L’analyse des cartographies de CL a également révélé, pour les fils de plus grands diamètres la présence d’un anneau périphérique dont la luminescence est plus intense. L’étude statistique nous a permis d’attribuer ce comportement à l’inhomogénéité de la distribution des défauts non radiatifs dans les nanofils, qui est directement affectée par les conditions locales de croissance, notamment la valeur du rapport métal/azote lors de la croissance du composé InGaN.
Ainsi, paradoxalement, l’analyse des propriétés statistiques de la forêt nous a permis d’identifier certaines propriétés des arbres individuels qui seraient restées inaccessibles à un observateur trop près de son objet d’étude. 

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