Aujourd'hui, le silicium est considéré comme un matériau de choix pour le développement des technologies quantiques, sur la base de procédés de fabrication avancés mis au point au cours des dernières décennies pour les circuits intégrés électroniques et photoniques. Tandis que le développement de processeurs quantiques basés sur des qubits de spin en silicium est en cours dans plusieurs instituts, dont le CEA-Grenoble, les puces photoniques quantiques en Si présentent quant à elles un grand intérêt pour les simulations quantiques et – dans une perspective à long terme – pour le développement de réseaux quantiques à grande échelle. La manipulation d’états quantiques de la lumière avec une grande fidélité, ainsi que la détection efficace de photons uniques à l'aide de détecteurs à nanofils supraconducteurs intégrés, ont déjà été démontrées sur des puces photoniques en silicium. En revanche, la génération d'états quantiques de la lumière à la demande était restée jusqu’à récemment un problème ouvert. De ce fait, on a employé jusqu’ici des sources de lumière quantique non déterministes (basées sur le mélange de quatre ondes dans le Si) ou encore combiné des sources de photons uniques à base de GaAs et des puces photoniques en Si, ce qui induit de fortes limitations en termes de fonctionnalité ou de perspectives de passage à l’échelle.
La récente démonstration d'une source à photon unique intégrée dans le silicium par le consortium ANR OCTOPUS (L2C Montpellier, LM2NP Marseille et notre laboratoire) et ses collaborateurs (U. Leipzig, U. Oslo, IRIG/MEM) pourrait changer radicalement cette situation. Les auteurs ont étudié des défauts ponctuels, formés à l'intérieur d'une plaquette de silicium sur silice (SOI) commerciale par implantation d'atomes de carbone et recuit thermique. Bien que connus depuis les années 1970 sous le nom de « entres G" » du silicium, ces défauts n’avaient jamais été étudiés à l’échelle du défaut unique. Les centres G isolés se comportent comme des atomes artificiels brillants, capables d'émettre des photons un par un à une longueur d'onde compatible avec les télécommunications (~1,28 µm) et avec une efficacité quantique élevée. Les études se concentrent à présent sur l'intégration d’un centre G unique dans une microcavité optique et sur l'exploration des propriétés de spin du centre G, afin de développer deux dispositifs clés pour l'ingénierie quantique photonique : une source de photons uniques monomode et une interface « spin-photon », toutes deux intégrées dans des puces photoniques SOI. Notons enfin que l'étude théorique du centre G au
MEM est le fruit d’un effort de recherche suivi, qui a débuté avec le projet BOLID ANR (2010-2013) initialement consacré au développement de cristaux de silicium adaptés à une application aux cellules solaires.
Légende : (a) Carte de fluorescence d'une fine couche de silicium sur SiO
2, contenant un ensemble dilué de centres G. (b) Un comportement clair de dégroupement des photons émis, observé sur les histogrammes de corrélation de photons, confirme que chaque point d'émission correspond à un seul émetteur et démontre la capacité des centres G isolés à émettre des photons un par un. c) Spectre d'émission d'un seul centre G montrant une ligne principale dans la bande O des télécommunications.