Dans l’état fondamental d’un supraconducteur, les électrons s’apparient pour former des paires dites de Cooper. La température, un champ magnétique, un courant électrique ou un photon incident peuvent briser ces paires pour restituer des électrons célibataires aussi appelés quasi-particules. La présence de quasi-particules est donc le signe d’un affaiblissement des propriétés supraconductrices, ce qui peut nuire au bon fonctionnement de circuits supraconducteurs tels que les Qbits ou, au contraire, être mis à profit pour réaliser des détecteurs de photons.
Dispositif expérimental. Le nanofil est au centre de l’image (encadré rouge). La pointe du STM, symbolisée par le triangle bleu, permet d’injecter un courant électronique
It dans le nanofil par effet tunnel (sans contact). Simultanément, le courant critique du nanofil
Ic est détecté quand une tension
Vnanofil apparaît à ses bornes.
Nous avons étudié la dynamique de formation des quasi-particules à l’aide d’un microscope à effet tunnel (STM) fonctionnant à très basse température (50 mK). Un STM permet en effet d’injecter localement des électrons dans un dispositif en contrôlant à la fois leur énergie, par la tension électrique
Vb, et leur taux d’injection, par le courant tunnel
It. Chaque électron injecté cède alors son énergie au supraconducteur soit par interaction Coulombienne directe avec les paires de Cooper, soit par l’intermédiaire d’un phonon, c’est-à-dire une vibration du réseau atomique. Chaque paire de Cooper brisée libère ainsi deux nouvelles quasi-particules très énergétiques qui vont à leur tour se désexciter en brisant d’autres paires de Cooper. Cette cascade conduit à la formation d’un nuage de quasi-particules, réalisant ainsi un point chaud qui peut limiter le courant critique
Ic qu’un dispositif supraconducteur est capable de transporter sans transiter vers son état normal. C’est ce que nous avons mis en évidence en injectant des quasi-particules dans un nanofil de niobium de 300 nm de large et de 2 µm de long et en mesurant simultanément son courant critique. Ce dernier, d’une valeur d’une centaine de micro-ampères, a pu être fortement affaibli par un courant tunnel un million de fois plus faible. Nous avons démontré que cet affaiblissement est proportionnel au produit
It Vb. Il est donc principalement dû à un effet de chauffage bien décrit par un modèle thermique, mettant ainsi fin à un débat sur un hypothétique effet de champ électrique proposé dans la littérature pour expliquer la dépendance de
Ic avec une tension de grille dans un transistor supraconducteur. Il s’agissait en réalité d’un artéfact de mesure dû aux courants de fuite entre la grille et le nanofil supraconducteur dont l’effet avait été jusque-là sous-estimé.
De plus, en examinant de petits écarts au modèle thermique mesurés pour différentes valeurs du courant tunnel, nous avons pu modéliser la dynamique de formation du nuage de quasi-particules et déterminer un temps de relaxation de leur énergie de l’ordre de 40 ps. Cette information est fondamentale pour tenter d’optimiser les performances des détecteurs de photons ou protéger les Qbits de l’empoisonnement par des quasi-particules.